samedi 24 septembre 2011

De l'importance de l'apprentissage de l'anglais au sein des armées

Multinational = anglais

Les opérations actuelles démontrent que, pour la France, il est quasiment impossible d'intervenir autrement que dans le cadre d'une coalition. Qu'elle soit placée sous le commandement de l'OTAN, de l'ONU de l'Union Européenne, les différents intervenants s'expriment systématiquement dans la langue anglaise au détriment de la langue française, celle de la diplomatie - et de l'escrime - qui, il faut bien l'avouer, est particulièrement difficile à apprendre. En tant que Français, il est évidemment possible de regretter cet état de fait mais vouloir s'y opposer semble aujourd'hui un combat d'arrière-garde.



Lorsqu'en 2009, Nicolas Sarkozy a fait le choix de réintégrer la France dans le commandement militaire intégré de l'OTAN, de nombreux postes se sont ouverts dans les différents états-majors de l'alliance pour les militaires français. Au delà des aspects purement pratiques de mutation à l'étranger, une des principales difficultés pour pourvoir ces postes réside dans le nombre croissant mais toujours limité de personnes parlant correctement l'anglais. Et ce "correctement" n'a rien d'anecdotique. En effet, les plus hauts responsables possèdent une bonne connaissance de la langue de Shakespeare et disposent souvent de l'aide d'interprètes. Pour les autres, cette connaissance est parfois plus approximative.

L'influence par la langue
Les militaires français n'étant pas différents de leurs compatriotes, ils ont moins de facilités que les Européens du Nord pour apprendre l'anglais et cela a un impact, notamment dans la prise de décision lors de l'élaboration des ordres. Lors d'un stage récent au sein du Corps de Réaction Rapide France (CRR-FR) à Lille, un formateur britannique notait le déficit d'intervention des officiers français lors des briefings. Il mettait cela, sans doute à juste titre, sur le niveau trop faible de la connaissance de la langue et de ses subtilités qui empêcheraient les Français de faire valoir leurs arguments. Cette réflexion met en lumière l'énorme avantage que possèdent les anglo-saxons dans la prise de décision grâce au fait que celle-ci se fasse dans leur langue.

Cette problématique est bien prise en compte au sein des états-majors français et elle se traduit par  l'importance accordée à l'apprentissage de la langue anglaise dans tout les cycles de formation et notamment dans le cursus des officiers. Beaucoup reste à faire car comme le montre la vidéo suivante sur le ton de la plaisanterie, les quiproquos liés à une mauvaise maîtrise de la langue anglaise peuvent avoir des conséquences dramatiques lors de manoeuvres tactiques.


jeudi 15 septembre 2011

Après l'Afghanistan, le sas de décompression

La député socialiste de Bordeaux, Michèle Delaunay, s'illustre actuellement sur les blogs de défense pour avoir posé plusieurs questions (5) sur l'accompagnement des militaires français au retour de leur mission en Afghanistan. Même si elles ne sont sans doute pas dénuées d'arrière pensées politiciennes, ces questions ont le mérite de relancer un débat nécessaire sur l'implication des soldats français en Asie Centrale, la reconnaissance de leur travail et des éventuelles conséquences de celui-ci. La député, elle-même médecin, note dans un entretien accordé au Point que le suivi des blessures psychologiques est insuffisant comme le démontrerait les sollicitations de ses administrés.
 
Michèle Delaunay

Néanmoins, le ministère de la défense comme la plupart des armées occidentales a pris conscience de l'accroissement des syndromes de stress post traumatique et de l'absolue nécessité de lutter contre cette maladie ou au minimum la détecter le plus tôt possible. Cela s'est traduit essentiellement par la création, en 2009, d'un sas de décompression au retour d'Afghanistan. Après six mois de préparation puis six mois de mission, les soldats français, toutes armées et tous grades confondus, transitent par Chypre avant de rentrer en France. Ils passent alors deux jours dans un hôtel 5 étoiles et suivent différentes activités leur permettant de relâcher la pression. Ce qui pourrait passer pour des vacances est en fait un élément à part entière de la mission: se préparer au retour à la vie quotidienne en France. Au programme: visites touristiques, sensibilisation aux risques psychologiques, et séances de relaxation au moyen de Techniques d'Optimisation du Potentiel - TOP techniques proches de la sophrologie. Tout cela est menée par des psychologues appartenant à  la Cellule d'Intervention et de Soutien Psychologique de l'Armée de Terre - CISPAT  . A l'écoute de chacun, ils alertent les militaires sur les symptômes liés au stress post traumatique et peuvent détecter d'éventuelles détresses psychologiques dès le sas. Ce travail est d'ailleurs relayé au sein des régiments et des différentes unités par un officier environnement humain.
Le reportage photo du site de la défense permet de se faire une bonne idée de la structure créée au profit des forces rentrant d'Afghanistan.

crédit: ADC THOREL/SIRPA Terre Image

Bien évidemment, ces deux journées de relaxation ne peuvent effacer instantanément la tension accumulée pendant une mission de guerre mais la satisfaction qu'éprouvent les soldats lors de cet intermède démontre à elle seule le bien fondé d'un tel dispositif. Il n'en demeure pas moins, comme le précise Michèle Delaunay que ces soldats seraient encore moins sensible à ce stress post traumatique s'ils ne rentraient pas en France dans une quasi indifférence de la population pour laquelle ils ont servi. Et pour que cela change, les quelques questions de madame le député peuvent être un aiguillon bien utile.


samedi 10 septembre 2011

Où va l'OTAN?

Si depuis le sommet de Lisbonne en novembre 2010, l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord s'est lancée dans une restructuration majeure liée à l'adoption d'un nouveau concept stratégique, les nombreux événements de cette année 2011 incitent à s’interroger sur le devenir de l'alliance. 


Une organisation mutante

Comme le montre le choix français de relancer la réflexion sur le livre blanc de la défense et de la sécurité nationale de manière anticipée, l'évolution parfois surprenante de l'environnement international oblige à une remise en question récurrente. L'OTAN a su jusqu'à présent s'adapter aux circonvolutions du monde en accueillant en son sein des anciens pays du bloc de l'Est à la chute de l'URSS, en adaptant ses procédures ou en apprenant à travailler avec les Nations Unies. Cela a également conduit l'organisation à s'impliquer dans différents conflits comme au Kosovo en 1999 sans que les clauses d'engagement initiales aient été respectées, l'humanitaire et la volonté de répondre à une résolution de l'ONU légitimant l'action. De la même manière, l'Alliance qui avait pour but préalable la protection des pays évoluant dans l'Atlantique Nord s'est engagée loin de ses bases, en Afghanistan, à la suite de l'attaque du 11 septembre 2001 sur les États-Unis.

Des signes inquiétants

Aujourd'hui, l'OTAN est toujours présente en Afghanistan où elle constitue la Force Internationale d'Assistance et de Sécurité (ISAF en anglais) et les stratèges de l'organisation recherchent une solution pour sauvegarder ce qui a été accompli après que les Etats-Unis puis la France dans son sillage aient annoncé un retrait pour 2014. Sans vouloir préjuger de la situation à cet horizon, il semble aujourd'hui difficile d'attendre un succès probant de l'ISAF et les grandes difficultés de l'Alliance dans ce pays sont susceptibles de lui faire perdre du crédit à travers le monde.

crédit inconnu

Plus récemment, l'OTAN s'est engagée en Lybie suite à une résolution de l'ONU et afin d'éviter que le Colonel Kadhafi élimine indistinctement civils et rebelles. Ces résolutions contraignantes - les interventions devant protéger la population des mesures de représailles - se sont traduites par un engagement essentiellement aérien mené notamment par les Anglais et les Français. Cependant avant d'en arriver là, de nombreuses tractations ont eu lieu mettant au jour les difficultés internes de l'Alliance, chaque pays ayant des intérêts parfois divergents. Ainsi l'Allemagne s'est abstenue de toute participation militaire. De plus, et alors que les États-Unis ne souhaitaient pas mettre en avant leurs moyens, la force d'intervention fut bien difficile à mettre en place pour assurer l'efficacité des frappes. Enfin pour plusieurs pays, Russie, Chine, Algérie, l'OTAN a usé d'artifices diplomatiques pour finalement prendre parti dans une guerre civile et démontrer ainsi une grande partialité.

Ce conflit lybien fut enfin l'occasion d'une saillie de l'ancien chef du Pentagone Robert Gates. Ce dernier, sur le départ, n'a pas mâché ses mots sur l'incapacité européenne à régler le problème en Lybie. Il vitupère ainsi contre une vingtaine de pays alliés qui ne veulent ou surtout ne peuvent pas intervenir obligeant une fois encore les États-Unis à s'impliquer financièrement et militairement. Cette diatribe d'un membre éminent du gouvernement américain montre l'agacement croissant outre-Atlantique d'autant que le pays est lui aussi cruellement atteint par la crise économique et financière. Tellement atteint qu'il pourrait envisager un désengagement partiel de l'Alliance?


Perte d'audience?

Divergences affichées, difficultés militaires et sans doute financières, tous ces éléments nécessitent une nouvelle réflexion sur le devenir de l'Alliance Atlantique car dans le même temps des alternatives peuvent voir le jour et entraîner de nouvelles mutations géopolitique. Ainsi la Russie s'est dite prête lors du sommet de Lisbonne à mettre en œuvre son propre bouclier anti missile pour protéger les pays d'Europe Orientale. Plus récemment encore, elle proposait ses missiles S-500 pour participer à l'élaboration de ce bouclier. Certains pays de la région pourraient, le temps aidant à oublier, être de nouveau attirés dans le giron russe.

crédit inconnu


L'OTAN est encore aujourd'hui fortement dépendante de la super puissance américaine mais celle-ci vient de vaciller sur son piédestal déstabilisée par la crise économique. L’Alliance devra sans doute une nouvelle fois s'adapter si elle veut pouvoir conserver un pouvoir de dissuasion nécessaire aux règlements des affaires de ce monde.

N.B.: pour en savoir davantage sur l'OTAN, lire le très bon et très complet: L'OTAN au XXIe siècle d'Olivier Kempf aux éditions ARTÈGE

dimanche 4 septembre 2011

L'armement d'occasion, futur vecteur d'influence pour la France

 Plus de matériels, nouvelles opportunités

L'Elysée annonce, par un communiqué paru le 3 septembre, la prochaine actualisation du livre blanc sur la défense et la sécurité nationale. Cette révision qui doit aboutir à "un document interministériel d'évaluation stratégique" pour la fin 2011 anticipe donc celle qui aurait du intervenir en 2012. Ce choix peut s'expliquer par les évolutions géopolitiques récentes telles que la mort de Ben Laden ou encore la guerre en Lybie. Néanmoins, certains analystes, comme Philippe Chapleau sur son blog Lignes de défense  , s'inquiètent du fait que cette réflexion ne débouche sur une nouvelle réduction des moyens de la défense au motif que l'environnement mondial se serait apaisé. Cette nouvelle restructuration pourrait s'ajouter à celle déjà en cours, la réduction du format des armées entraînant implicitement un surnombre d'équipement militaire comme le note le rapport parlementaire sur la fin de vie des équipements militaires présenté par le député Michel Grall. Ainsi, c'est près de 40 navires, 130 hélicoptères, 150 avions de tous types, 1500 engins blindés et 15000 camions et véhicules qui seraient potentiellement cessibles selon l'état-major des armées (EMA) pour la période 2010-2015. 

l'influence par l'occasion ou l'occasion d'influencer

La France a semble-t-il tout intérêt à dynamiser sa présence sur le marché de l'occasion et ce pour plusieurs raisons:
  • Tout d'abord, la conservation des équipements militaires notamment par stockage à un coût qui peut s'avérer élevé. A cela, s'ajoutera le coût de son démantèlement loin d'être anodin comme l'ex porte-avions le Clemenceau a pu le mettre en exergue.
  • Ensuite, à l'exception de l'Europe et sans doute bientôt des Etats-Unis, l'ensemble des régions du monde voient leur budget consacré à la défense augmenter. Certains pays choisissent pour des raisons économiques de s'équiper en matériels rodés et ayant déjà fait leurs preuves.
  • Enfin et c'est sans doute le plus intéressant, la cession de matériels militaires peut s'avérer un véritable levier d'influence pour la France comme le montre les exemples repris par le rapport parlementaire. 
Relais d'influence: c'est le cas de l'Allemagne qui dans les années 2000 a décidé de mettre en vente près de 1500 chars de type Leopard 2. Une majeure partie de ce stock a fini par équiper les pays d'Europe Centrale, et notamment la Pologne, périmètre historique de l'influence allemande.

Prendre pied sur un marché: en mars 2010 la Roumanie a souhaité renouveler sa capacité aérienne et après avoir mis en concurrence Saab et Eurofighter, elle a finalement opté pour l'achat de 24 F-16 américains d'occasion. Ce contrat d'1,3 milliards d'euros comprend l'assistance technique américaine, la formation des pilotes, l'acquisition de simulateurs, les avions n'ayant finalement quasiment rien coûté. Récemment la Roumanie faisait savoir sa volonté d'acquérir 24 F-16 neufs et éventuellement à plus long terme de 24 F-35!


Développer les échanges autres que ceux liés à la défense: grâce à la cession de 2 corvettes, la Corée du Sud a obtenu un accord d'exploitation de gaz avec le Kazakhstan.

Penser une nouvelle organisation

La France a déjà connu un certain succès avec le Brésil, car la vente de matériels d'occasion - porte-avions Foch, avions de combat - a renforcé le rapprochement de ces deux pays et sans doute permis la signature de contrats pour DCNS notamment (conception réalisation de 4 sous-marins conventionnels). 


Cependant, beaucoup reste à faire pour rentabiliser cette manne, car nombre d'acteurs (DGA, DIRISI, , EMA, etc.) rentrent en jeu pour permettre de telles cessions. Certains pays comme la Grande-Bretagne ou encore la Russie avec Rosoboronexport ont choisi d'avoir un organe centralisateur responsable des ventes de matériels d'occasion ce qui facilite sans aucun doute les discussions avec les États potentiellement acheteurs. Le rapport parlementaire ne privilégie pas cette option pour la France précisant que l'on ne traite pas d'équipements aéronautiques, comme des blindés ou encore des navires.
Il pointe néanmoins un élément commun aux pays les plus efficaces sur ce marché et encore à l'état embryonnaire en France: le pilotage politique de ce domaine et en général au niveau d'un secrétaire d’État. Pas forcément surprenant s'il on veut avoir une vraie vision stratégique dans ce secteur... comme dans d'autres.