dimanche 4 septembre 2011

L'armement d'occasion, futur vecteur d'influence pour la France

 Plus de matériels, nouvelles opportunités

L'Elysée annonce, par un communiqué paru le 3 septembre, la prochaine actualisation du livre blanc sur la défense et la sécurité nationale. Cette révision qui doit aboutir à "un document interministériel d'évaluation stratégique" pour la fin 2011 anticipe donc celle qui aurait du intervenir en 2012. Ce choix peut s'expliquer par les évolutions géopolitiques récentes telles que la mort de Ben Laden ou encore la guerre en Lybie. Néanmoins, certains analystes, comme Philippe Chapleau sur son blog Lignes de défense  , s'inquiètent du fait que cette réflexion ne débouche sur une nouvelle réduction des moyens de la défense au motif que l'environnement mondial se serait apaisé. Cette nouvelle restructuration pourrait s'ajouter à celle déjà en cours, la réduction du format des armées entraînant implicitement un surnombre d'équipement militaire comme le note le rapport parlementaire sur la fin de vie des équipements militaires présenté par le député Michel Grall. Ainsi, c'est près de 40 navires, 130 hélicoptères, 150 avions de tous types, 1500 engins blindés et 15000 camions et véhicules qui seraient potentiellement cessibles selon l'état-major des armées (EMA) pour la période 2010-2015. 

l'influence par l'occasion ou l'occasion d'influencer

La France a semble-t-il tout intérêt à dynamiser sa présence sur le marché de l'occasion et ce pour plusieurs raisons:
  • Tout d'abord, la conservation des équipements militaires notamment par stockage à un coût qui peut s'avérer élevé. A cela, s'ajoutera le coût de son démantèlement loin d'être anodin comme l'ex porte-avions le Clemenceau a pu le mettre en exergue.
  • Ensuite, à l'exception de l'Europe et sans doute bientôt des Etats-Unis, l'ensemble des régions du monde voient leur budget consacré à la défense augmenter. Certains pays choisissent pour des raisons économiques de s'équiper en matériels rodés et ayant déjà fait leurs preuves.
  • Enfin et c'est sans doute le plus intéressant, la cession de matériels militaires peut s'avérer un véritable levier d'influence pour la France comme le montre les exemples repris par le rapport parlementaire. 
Relais d'influence: c'est le cas de l'Allemagne qui dans les années 2000 a décidé de mettre en vente près de 1500 chars de type Leopard 2. Une majeure partie de ce stock a fini par équiper les pays d'Europe Centrale, et notamment la Pologne, périmètre historique de l'influence allemande.

Prendre pied sur un marché: en mars 2010 la Roumanie a souhaité renouveler sa capacité aérienne et après avoir mis en concurrence Saab et Eurofighter, elle a finalement opté pour l'achat de 24 F-16 américains d'occasion. Ce contrat d'1,3 milliards d'euros comprend l'assistance technique américaine, la formation des pilotes, l'acquisition de simulateurs, les avions n'ayant finalement quasiment rien coûté. Récemment la Roumanie faisait savoir sa volonté d'acquérir 24 F-16 neufs et éventuellement à plus long terme de 24 F-35!


Développer les échanges autres que ceux liés à la défense: grâce à la cession de 2 corvettes, la Corée du Sud a obtenu un accord d'exploitation de gaz avec le Kazakhstan.

Penser une nouvelle organisation

La France a déjà connu un certain succès avec le Brésil, car la vente de matériels d'occasion - porte-avions Foch, avions de combat - a renforcé le rapprochement de ces deux pays et sans doute permis la signature de contrats pour DCNS notamment (conception réalisation de 4 sous-marins conventionnels). 


Cependant, beaucoup reste à faire pour rentabiliser cette manne, car nombre d'acteurs (DGA, DIRISI, , EMA, etc.) rentrent en jeu pour permettre de telles cessions. Certains pays comme la Grande-Bretagne ou encore la Russie avec Rosoboronexport ont choisi d'avoir un organe centralisateur responsable des ventes de matériels d'occasion ce qui facilite sans aucun doute les discussions avec les États potentiellement acheteurs. Le rapport parlementaire ne privilégie pas cette option pour la France précisant que l'on ne traite pas d'équipements aéronautiques, comme des blindés ou encore des navires.
Il pointe néanmoins un élément commun aux pays les plus efficaces sur ce marché et encore à l'état embryonnaire en France: le pilotage politique de ce domaine et en général au niveau d'un secrétaire d’État. Pas forcément surprenant s'il on veut avoir une vraie vision stratégique dans ce secteur... comme dans d'autres.

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