dimanche 30 octobre 2011

Le Danemark porte d'entrée de l'Arctique pour la Chine

Lors d'un discours prononcé à Pékin, l'ambassadeur du Danemark en Chine, Friis Arne Peterson, a estimé légitime et naturel l'intérêt économique et scientifique du pays communiste pour l'Arctique bien qu'il ne soit pas frontalier de cette zone. Il a poursuivi en précisant que son gouvernement souhaitait que l'on lui accorde le statut d'observateur permanent au Conseil Arctique.

Une Europe de plus en plus "sino dépendante"?

Cette déclaration, dans le contexte économique actuel, n'est pas forcément surprenante. En effet, l'Union Européenne à laquelle appartient le Danemark, traverse la pire crise de son histoire ce qui l'a obligé à accepter l'aide de la Chine pour soutenir son économie. Le Danemark qui dispose potentiellement avec le Groenland de ressources naturelles importantes devra faire de très gros investissements pour pouvoir les exploiter. Certains analystes voient donc dans le discours de l'ambassadeur danois un appel du pied aux investisseurs Chinois.

crédit le figaro: station de recherche chinoise en Antarctique


La Chine n'a jamais caché son intérêt pour la région et ne souhaite pas voir les Américains, Russes et Canadiens se partager le futur eldorado. Elle possède d'ailleurs depuis 2004 une station de recherche scientifique sur l'archipel de Svalbard et a lancé la production d'un brise-glaces de plus de 8000 tonnes pour 2013. Pour justifier sa présence dans le cercle arctique, la Chine estime que les eaux polaires devraient être considérées comme internationales.

Canada, l'attaque pour défense

Evidemment, les riverains de l'Arctique ne sont pas tous d'accord avec le Danemark. A commencer par le Canada qui suit avec la plus grande attention l'évolution des velléités chinoises. Certains observateurs n'hésitent pas à mettre en garde la Chine en précisant que l'argument des eaux internationales pouvait lui être retourné concernant ses prétentions sur le sud de la mer de Chine, voire même sur l'île de Taïwan. Les Analystes canadiens estiment que l'offensive est la meilleure défense et que le Canada devrait saisir la justice internationale pour légitimer définitivement ses prétentions sur l'Arctique.
Quoiqu'il en soit le jeu est aujourd'hui lancé

Pour plus d'information voire mes billets précédents ici et ici
source: http://www.vancouversun.com/news/China+enters+Arctic+equation/5625478/story.html

mardi 25 octobre 2011

L'Islande redevient-elle stratégique?


L'Islande est un des premiers pays à avoir subi de plein fouet les conséquences de la crise financière de 2008. Son système économique et ses banques étant fortement liés aux Etats-Unis, il n'est pas surprenant que cette petite nation -103125 km2 pour un peu plus de 300000 habitants - soit une des premières victimes de la crise des subprimes. Ironie du sort, cette proximité avec les Etats-Unis a souvent été mal vécue par les Islandais qui se l'était vu imposée par la position géographique de l'île et l'évolution de l'Histoire.

Crédit Icelandair

Un revolver sur la tempe

Isolée au nord de l'Europe, dotée d'un climat particulièrement rude, l'Islande n' a été rattachée au continent que par son appartenance à la Norvège puis à la couronne danoise, elle obtient son entière indépendance en 1944. Pauvre et inhospitalière, l'île a toujours été préservée des conflits qui ravagèrent l'Europe même si elle eut a subir certaines conséquences comme le blocus imposé par Napoléon 1er à l'Angleterre, elle même principale pourvoyeuse de ressources à l'Islande. Cet isolement a forgé chez les Islandais un véritable idéal pacifiste et neutraliste. Cependant les réalités géopolitiques vont rattraper ce peuple nordique car comme le déclare l'Allemand Haushofer : "Celui qui contrôle l'Islande a dans les mains un revolver pointé sur l'Angleterre, les Etats-Unis et le Canada". Lors de la Deuxième Guerre Mondiale, les Alliés, ayant parfaitement conscience de la valeur stratégique de l'île, ont décidé de s'y déployer de manière préventive, les Britanniques, tout d'abord, en mai 1940 suivi par les Américains, après qu’un accord de défense ait été signé,  en juillet 1941. Les velléités neutralistes des Islandais les incitent à négocier le départ des Américains dès la fin du conflit. C'était sans compter la bipolarisation du monde consécutive à la guerre et la déclaration de Haushofer retrouvait alors toute sa dimension. Les Etats-Unis ont à nouveau pesé de tout leur poids pour faire pencher l'Islande dans le camp occidental. Après avoir signé un nouvel accord en 1946, accord de Keflavik, l'Islande, pays sans armée, intègre l'OTAN en 1949 mettant sous l'éteignoir son désir de neutralité pour des raisons pragmatiques de sécurité et d'économie. Ces décisions se traduisent physiquement par l'installation de 5000 soldats américains sur la base de Keflavik ce qui rapporté à la population islandaise, environ 250000 âmes, correspond à une très forte présence. Celle-ci impacte nécessairement le mode de vie local, les habitants découvrant la modernité américaine et son formidable attrait. Cette présence est néanmoins mal supportée et les Islandais manifestent régulièrement pour le départ du contingent U.S.

Carte de l'Islande - Crédit inconnu


Avec la chute de l'URSS en 1991 et l'éventualité d'une pax americana sur le monde, la position de l'Islande perd de son caractère stratégique. Le pragmatisme anglo-saxon pousse les Américains a reconsidéré leur présence sur l'île bien que l'accord de Keflavik les lie jusqu'en 2001. Les Islandais ne possédant pas de système de défense autonome et ne disposant d'aucune alternative, cherchent en revanche à retenir le plus longtemps possible l'armée américaine sur l'île d'autant que la base joue un rôle non négligeable dans l'économie du pays. Finalement, les Etats-Unis décident unilatéralement de se retirer à compter de septembre 2006,  scellant ainsi la fin de la place stratégique de l'Islande.

F-15 américains sur la base de Keflavik - crédit inconnu

Renouveau stratégique?

Engluée dans ces difficultés économiques et politiques, l'Islande pourrait néanmoins retrouver un rôle stratégique lié à sa position géographique dans un avenir proche. En effet, la proximité de l'île avec le cercle polaire peut lui rendre un certain attrait notamment pour les pays ne disposant pas de ce voisinage. Pour mémoire et comme je le rapportais dans un billet précédent, l'accélération de la fonte des glaces fait de l'Arctique une future région majeure du transit commercial mondial. Mais surtout la zone détient 13% des réserves mondiales de pétrole, 30% pour le gaz naturel et 20% du gaz naturel liquide selon l'US Geological Survey.
Pour tenter de sortir de la crise, l'Islande a fait le choix historique - et peut être un peu opportuniste - de demander son rattachement à l'Union Européenne en 2009. Celle-ci, cherchant le consensus sur le traité de Lisbonne avant de penser à un nouvel élargissement, n'a pas donné d'assurance aux Islandais. Cette attitude ajoutée à l'"abandon" américain laisse un boulevard à la Chine qui n'a pas caché sa volonté d'aider l'Islande à se redresser notamment en fournissant près de 500 millions d'Euros aux banques islandaises. Cela entraîne bien évidemment la bienveillance des autorités islandaises et des initiatives individuelles telles que celle du Chinois Huang Nubo montrent tout l'intérêt de la Chine pour cette région.



Et la France?

Comme pour l'Union Européenne, la France a sans doute intérêt à un rapprochement avec l'Islande ne serait ce que pour limiter les intervenants extérieurs au cercle arctique et notamment la Chine. Au départ des Américains en 2006, l'Islande ne s'est pas constituée de défense et elle compte aujourd'hui sur la présence tournante d'avions de l'OTAN pour assurer sa sécurité. La France qui a participé à cette défense tournante dès 2008 en fournissant notamment 4 mirages 2000-5 et qui ne possède pas les moyens financiers pour apporter une aide économique directe, pourrait par le biais d'accord de défense accroître ses relations avec l'Islande afin de rester présent dans le futur grand jeu que représente l'Arctique.

vendredi 21 octobre 2011

Editions HEIMDAL: l'Histoire au coeur normand!

Internet est sans aucun doute un merveilleux outil qui donne le sentiment d'une réelle liberté d'expression. Bien sûr, on peut trouver à peu près tout ce que l'on cherche à condition d'un peu de méthode. Cependant, cette facilité d'accès à la connaissance provoque inéluctablement de grosses difficultés pour le monde de l'édition traditionnelle. Et pourtant certaines maisons possèdent un savoir-faire unique et le plaisir occasionné par la manipulation d'un de leurs ouvrages supplante la version dématérialisée. Les éditions HEIMDAL se classent indéniablement dans cette catégorie.

Source HEIMDAL
Créée en 1975 par Georges Bernage (qui publiera également 39/45 magazine en 1983 et qui deviendra Historica), cette maison occupe le château de Damigny dans la campagne normande proche de Bayeux et ce lieu quelque peu intemporel est sans doute propice à l'édition de revues historiques. Ce sont ses racines régionales qui sont à l'origine de son nom à consonance scandinave (Heimdall avec deux l étant un personnage de la mythologie nordique) souvenir de l'invasion viking. Cette même terre fut également profondément marquée par la Seconde Guerre Mondiale et c'est en traitant de ce sujet historique que la maison d'édition a acquis ses lettres de noblesse. Tout d'abord spécialisées dans l'histoire normande, les éditions HEIMDAL s'intéressent rapidement au débarquement et à la bataille de Normandie avant de faire de la 2ème Guerre Mondiale le cœur de leur production.



Didactiques et toujours bien illustrées, les livres HEIMDAL acquièrent rapidement une renommée internationale et notamment les gros volumes. En effet, les spécificités de cette maison résident dans l'accumulation d'un très grand nombre de photos - jusqu'à un millier pour certains albums - et surtout sur le caractère inédit des éléments publiés. La qualité de ces ouvrages leur vaut d'être recherchés par les amateurs.

Source HEIMDAL
Aujourd'hui, les éditions HEIMDAL ont conservé leurs centres d'intérêt initiaux auxquels s'est rajouté l'histoire médiévale. A quelques semaines de Noël, un petit passage sur leur site pourra peut être donner de belles idées de cadeau pour les historiens de chaque famille.

dimanche 16 octobre 2011

Berlin: j'ai vécu l'Histoire

Une récente  conversation 2.0 sur twitter (merci @Pierre_Sk) a fait resurgir mes souvenirs d'enfance et tout l'attachement que je ressentais pour la ville de Berlin. Si l'on considère que nous fêtons les 50 ans de la construction du mur et les 20 ans de la réunification allemande ce billet certes personnel reste à propos.

Berlin l'envoûtante

Mon père, militaire, fut donc muté à l'été 1982 pour cette ville qui n'était plus "que" la capitale de l'Allemagne de l'Est (République Démocratique d'Allemagne, DDR pour les germanophones) et la tête de pont du monde occidental au sein du Pacte de Varsovie. A l'âge de 8 ans, difficile de bien comprendre le concept de guerre froide mais les quatre années qui ont suivi m'ont permis de mettre des images en face de cette notion quelque peu abstraite à la différence de la grande majorité des Français. A l'époque on parlait encore de Forces Françaises en Allemagne (avant que le politiquement correct et la construction européenne ne s'en mêlent et que l'on dise ensuite Forces Françaises stationnées en Allemagne) et la mutation berlinoise était l'eldorado du militaire français (n'appartenant ni à la légion étrangère ni aux troupes de marine). Les opérations extérieures étaient rares et la plus grande partie de l'armée française s'exerçait à résister du mieux possible aux "hordes soviétiques" débouchant par la trouée de Fulda.
Crédit inconnu
C'est vrai que la vie berlinoise pouvait se montrer exaltante car pour oublier l'encerclement du mur, la ville et ses habitants se montraient particulièrement festifs, le Kurfürstendamm rassemblant les noctambules dans une profusion de cabarets, boîtes de nuit et bars branchés. Grande métropole, la ville en elle-même est dotée de nombreux espaces verts (créés sur les décombres de la ville après sa chute en 1945) et de lacs qui donnent l'impression d'être à la campagne. De plus, les Américains vivant quasiment en autarcie dans leur zone (même les employés des fast-food venaient des Etats-Unis), les Berlinois semblaient plus proche des Anglais et des Français comme le succès des portes ouvertes du Quartier Napoléon et la vente massive de baguettes le démontraient chaque année.

Julius Leber Kaserne, anciennement Quartier Napoléon 
 Berlin aux deux visages

Le Quartier Napoléon, c'est justement l'un des premiers indices du monde particulier dans lequel nous évoluions pour l'enfant que j'étais. Nous habitions cité Joffre voisine de la caserne (qui hébergeait le 11ème régiment de chasseurs et le 46ème régiment d'infanterie) et régulièrement nous pouvions assister aux exercices de protection du site, avec des militaires postés aux miradors, des patrouilles le long du mur d'enceinte (que je prenais d'ailleurs pour le mur de Berlin la première fois que je l'ai vu) et les soldats qui reconnaissaient l'emplacement des mitrailleuses et des lance-roquettes anti-char. Bizarrement également, nous croisions parfois de grosses berlines noires d'une autre époque gravitant autour du quartier qui n'avait pourtant rien de très touristique.
Chaque départ en vacances pour quitter la ville puis pour revenir était en soi une aventure épique. Si vous preniez la voiture, le parcours était immuable et particulièrement fastidieux: au moment de quitter Berlin Ouest, il fallait tout d'abord s'arrêter au poste allié pour enregistrer votre passage, un dossier de consignes nous était alors remis pour la traversée du "couloir", l'itinéraire obligatoire à suivre pour rejoindre l'Allemagne de l'Ouest. Après ce premier arrêt, il fallait rejoindre un check-point russe et cette fois attendre le bon vouloir des gardes pour s'engager dans le couloir, et cela pouvait prendre un temps certain. les plantons russes profitaient régulièrement de l'occasion pour échanger un insigne contre des paquets de cigarettes... Une fois l'autorisation obtenue, nous suivions l'autoroute unique route autorisée à la vitesse maximum de 100km/h pour rejoindre la frontière avec l'Allemagne de l'Ouest où le scénario se répétait: attente du bon gré russe pour franchir cette frontière et ensuite passage au poste interallié pour rendre compte du trajet (de ce que l'on aurait pu apercevoir, véhicule militaire etc.) et rendre le dossier de consignes.
L'autre moyen de transport couramment utilisé était le TMFB, le train militaire français de Berlin  qui au départ de Strasbourg nous ramenait dans la cité allemande de nuit. Au petit matin, nous passions le long du mur avec d'un côté Berlin Ouest illuminé et de l'autre Berlin Est à peine éclairé. Avec un oeil un tout petit peu attentif, on pouvait constaté que si les façades donnant sur la voie étaient souvent fraîchement peintes il n'en était pas du tout de même pour le reste des bâtiments. Ce passage entre les deux Berlin vous replongeait immédiatement dans la réalité de la guerre froide, même pour un enfant qui chaque fois qu'il prenait ce train apercevait un foulard blanc agité à une fenêtre, témoignage d'un remerciement muet et constant d'une mère dont le fils a pu rejoindre Berlin Ouest en se cachant dans un des wagons...

Le Train Militaire Français de Berlin: crédit inconnu

La guerre froide, je l'ai pris de plein fouet la première fois où j'ai pu me rendre à Berlin Est: le choc des mondes. Pour cette visite, nous empruntions un véhicule officiel, à savoir un combi Volkswagen, oui oui les mêmes que les hippies dans les années 70 mais peint en kaki. Nous franchissions le mur à hauteur du célèbre checkpoint Charlie comme si nous franchissions une barrière temporelle, à la différence de l'Ouest, le mur est de ce côté totalement vierge de graffiti, pour la bonne raison qu'il est tout bonnement interdit de circuler sur ce côté de la route. Les voitures se ressemblent toutes  ce sont les célèbres trabants seules quelques berlines appartenant aux apparatchiks du régime circulent. Le centre historique de Berlin se trouve à l'Est est les monuments sont dans l'état de la fin de la seconde guerre mondiale, criblés de balles. Les autres quartiers, reconstruits sont découpés à la serpe de grandes artères encadrées par de grands bâtiments communautaires, les cuisines étant partagées par plusieurs familles. La réalité du communisme est-allemand, nous l'avons découvert dans les magasins d'alimentation. Une des consignes données pour ces visites était d'éviter d'acheter les produits de première nécessité afin de ne pas en priver les Allemands de l'Est qui en manquaient déjà. Ainsi comment ne pas être surpris de voir une file d'attente devant une boucherie dont l'étal est quasiment vide et dont la viande est servie en conserve. La propagande est-allemande, bien rôdée, montrait aux clients qu'il en était de même à l'Ouest en publiant des photos de file d'attente devant les premiers Mac Donald's européens...

Crédit inconnu
 Caméras sur le toit des bâtiments, les hommes de la Volk Polizei (VoPo) armés dans les rues, rassemblement de plus de cinq personnes interdits, défilé militaire tout les mercredis, le départ d'un camarade de classe pour la France après que son père fut blessé dans une mission de l'autre côté autant d'exemples du véritable visage de l'Allemagne de l'Est autant de choses qui créaient une atmosphère particulière dans Berlin Ouest et le sentiment de vivre l'histoire aux premières loges. Avec le regard de mes dix ans, j'ai parfois du mal à comprendre les nostalgiques de la guerre froide  qui regrettent la lisibilité géopolitique de l'époque et encore moins les tenants du communisme même si aujourd'hui on lui donne souvent et pudiquement un autre nom. En plagiant JF Kennedy, j'aime à dire "Ich bin ein Berliner" et même si la ville a radicalement changé aujourd'hui, il est bon de se souvenir qu'elle fut victime de deux extrémismes politiques.
Bien plus légèrement, mon souvenir berlinois, c'est surtout la douce nostalgie d'une enfance heureuse et insouciante...

dimanche 9 octobre 2011

Knowledge Development: une des leçons de l'Afghanistan pour l'OTAN

L'approche globale

Lors d'un récent entretien, le général américain Stanley McChrystal, ancien chef de la coalition de 2009 à 2010, s'est montré particulièrement critique sur les résultats obtenus en Afghanistan. Libéré de son devoir de réserve parce qu'il a quitté le service actif, il note que seulement 50% du travail a été fait et plus important encore, il dénonce les lacunes graves concernant la connaissance du pays et de sa culture qui, pour lui, perdurent encore aujourd'hui dans l'armée américaine. L'insurrection afghane a en effet remis en exergue la nécessité d'obtenir du renseignement autre que militaire pour s'y opposer. C'est sur cette base de réflexion que l'OTAN a défini une approche globale et éditer en août 2008 un concept "knowledge development" (KD).

Source: defense.gouv.fr

le Knowledge Management (la gestion de connaissances) du militaire

Le knowledge development ou développement de la connaissance est un processus qui se veut collaboratif et itératif. Il assure la collecte de données et d'informations, leurs analyses et le partage des connaissances ainsi obtenues. La complexité des crises actuelles, qui combinent régulièrement différentes menaces, engendre un besoin en information qui dépasse largement le seul domaine militaire. Dans ce cadre, le Knowledge development définit une nouvelle approche pour la collecte des données en utilisant les compétences internes à l'OTAN mais aussi en sollicitant les organisations civiles ou non gouvernementales. Ces données sont ensuite synthétisées dans le but de fournir, aux niveaux stratégique et opératif (théâtre d'opération) des informations exploitables de natures variées: Politique, Militaire, Economique, Social, Infrastructure, Information PMESII. Le principal objectif de cette démarche est d'apporter une meilleure compréhension de l'environnement opérationnel dans les phases de planification et de conduite des opérations.
3 étapes commandent ce processus:

Source CICDE
  1. l'acquisition de l'information: celle-ci s'appuie essentiellement sur les sources dites ouvertes (internet, presse, thèse, etc.) mais aussi sur les organisations qui évoluent dans la zone d'intérêt de l'OTAN.
  2. l'analyse: c'est l'analyse systémique qui est mise en oeuvre pour étudier les intervenants (adversaires, adversaires potentiels, neutres, etc.) dans leur environnement.
  3. le transfert de la connaissance: la connaissance acquise doit être accessible facilement pour la bonne personne, au bon moment et au format approprié tout en respectant les règles de confidentialité lorsque cela s'avère nécessaire.
Irriguer l'OTAN

Le concept du KD date donc de 2008. Depuis, l'OTAN a édité mi-2009 un projet de knowledge development handbook (manuel du KD) dans lequel une organisation est proposée pour réaliser cette nouvelle fonction. 3 niveaux sont ainsi définis:
  1. le Knowledge Management Center (KMC) pilote la chaîne KD.
  2. le Knowledge Development Center (KDC) assure la collecte d'informations et leur analyse au niveau stratégique.
  3. le Knowledge Center (KC) apporte au niveau opérationnel son expertise issue de ses capacités propres d'analyse mais aussi des données issues de la chaîne KD.
Le processus KD est aujourd'hui partie intégrante de la planification opérationnelle de l'OTAN et les programmes de formation ont été actualisés depuis 2010 dans les écoles (Oberammergau et Ankara). 

Risques et opportunités


  • Comme on l'a vu précédemment, le démarche KD s'appuie sur l'utilisation massive de sources ouvertes pour des recherches quasiment dans toutes les directions. Le risque est grand, aujourd'hui d'être débordé par le flot de données généré par cette collecte. Cela implique donc de fournir les ressources humaines adéquates mais aussi les outils pour gérer ces données. La priorité sera, néanmoins, de savoir fixer précisément les besoins, notamment en définissant les zones d'intérêt stratégique.
  • Autre difficulté, la gestion de la confidentialité est nécessairement complexe. En effet, l'accession aisée à l'information est contradictoire à son aspect confidentiel. De plus, le nécessaire dialogue avec les organisations civiles, étatiques ou non gouvernementales se traduit inévitablement par un échange de données. Il est alors primordial de définir quelles informations peuvent être partagées avec ces intervenants.
  • Enfin, il apparaît que le niveau tactique n'est pas représenté  dans la chaîne KD. Cependant, c'est bien sur le terrain que les contacts se font le plus couramment avec les organisations actives dans la zone d'intérêt, les représentants de l'Etat, etc. La force est comme souvent un des principaux vecteurs de collecte de données.

Après avoir rejoint le commandement intégré de l'OTAN, la France est nécessairement partie prenante de ce nouveau processus. Elle doit donc adapter ses structures militaires pour l'assimiler et ainsi préserver sa capacité à conduire des opérations au sein de l'Alliance Atlantique. C'est donc l'opportunité  pour elle de développer une capacité d'influence dans l'OTAN en s'appuyant sur son héritage historique: "Conduire d'un même geste l'effort économique et politique: l'action civile et l'action militaire ont pour lien la simultanéité" le maréchal Lyautey au Maroc.


Source:
http://www.jwc.nato.int/article.php?articleID=366
http://www.cicde.defense.gouv.fr/spip.php?article614

samedi 8 octobre 2011

Les Simpsons instigateurs (malgré eux?) du French-bashing* menacés

La nouvelle a défrayé la sphère médiatique depuis près de deux jours: La série autour de la famille Simpsons  pourrait ne pas être reconduite par Foxnews. A l'idée de ne pas voir de nouvelles péripéties du fantasque Homer et de son fils Bart, bon nombre de Français risquent d'éprouver un grand vide télévisuel tant leur popularité est importante dans notre pays.


Mais parmi nos compatriotes combien savent que c'est une réplique issue de ce dessin animé qui sert encore aujourd'hui à exprimer la détestation de la France (plus exactement de ses habitants) par les Américains. En 1995, l'un des auteurs de la série avait décrit les français comme étant  des "chease-eating surrender monkeys" que l'on pourrait traduire sobrement par les singes capitulards mangeurs de fromage. L'intention de ce scénariste n'était sans doute pas de porter un jugement mais plus de faire un bon mot dans une série qui est souvent caustique.

Ralliement francophobe

Cette image peu flatteuse fut donc reprise avec beaucoup de force en 2003 lorsque la France refusa de s'engager au côté des Etats-Unis dans la guerre contre l'Irak et c'est le journaliste Jonah Golberg du National Review qui s'en est emparé pour montrer sa désapprobation. Il n'en était d'ailleurs pas à son coup d'essai puisqu'en 1999, il avait déjà publié les 10 bonnes raisons pour détester les Français dont notamment le fait que nous ayons laissé les Allemands prendre Paris sans tirer un coup de feu. Sa campagne de dénigrement a tellement bien fonctionné, les Américains étant déçu de ne pas nous voir avec eux dans ce conflit irakien, que l'expression est rapidement devenue un "cliché journalistique". Et celui-ci à la vie dure car l'image est régulièrement reprise comme lors de la mort d'Oussama Ben Laden, les Français étant accusé d'avoir critiqué la joie des Américains à l'annonce du décès du leader d'Al-Qaida. Au pays roi du capitalisme, vous pouvez d'ailleurs acheter sur internet différents objets arborant la caricature initiée par les Simpsons.


Dernière nouvelle, le site de CBS annonce que la série est reconduite pour au moins deux ans, l'occasion d'aller boire une bière avec Homer (et avec modération) et de se montrer fair-play (surtout en ce jour de victoire contre l'Angleterre en coupe du monde de rugby).

* dénigrement des Français

dimanche 2 octobre 2011

Quand le XV de France se prend pour la Task Force La Fayette

Sport de combat par excellence, le rugby et l'armée sont souvent liés au travers des métaphores . Ce billet ne fera donc pas preuve d'originalité  mais la frustration provoquée par la récente défaite des Français face au Tonga sensé être une nation bien plus faible dans ce sport m'a immanquablement rappelé les difficultés rencontrées par nos troupes en Afghanistan.
Bien évidemment et fort heureusement dans cette défaite "rugbystique", il n'y a pas mort d'hommes. Cependant, elle redonne la possibilité pour nos amis anglo-saxons de pratiquer l'une de leurs activités favorites à savoir le "french bashing".


Il serait d'ailleurs intéressant d'étudier avec plus d'attention ce qui nous vaut cette réputation peu reluisante (sans doute que la défaite de 1940 et la non participation à la guerre en Irak n'y sont pas étrangers).

Ressenti et réalité

Pour reprendre l'analogie entre ce début de coupe de monde et la situation en Afghanistan, il apparaît naturellement que l'aspect psychologique est fondamental dans la perception d'une victoire. Ainsi, en commettant quelques erreurs et en étant déjà en manque de confiance, les joueurs français n'ont pas su mettre en place leur jeu pourtant bien supérieur à celui de l'adversaire du jour. Au final, les Français perdent ce match contre une équipe bien plus faible et alors que l'essentiel est là, à savoir une qualification pour les quarts de finale de la coupe du monde, le grand public ne retient quasiment que la victoire du Tonga alors que ce dernier est dorénavant éliminé.

Crédit: REUTERS
C'est ce même paradoxe que l'on peut retrouver en Kapisa où la Task Force La Fayette oeuvre quotidiennement. Ses opérations sont souvent contraintes par la nécessité de ne pas favoriser la communication des insurgés et lorsque les pertes s'accumulent, on décide d'une pause opérationnelle pour ne pas perdre l'opinion publique laissant le champ libre aux adversaires. Ces derniers agissent par coup d'éclat qui là encore retiennent facilement l'attention du public au détriment du travail de fond réalisé par les troupes de l'OTAN.

Annonces anticipées?

Lorsque le chef de l'état a signifié le retrait des troupes françaises d'Afghanistan pour la fin 2014, il a indéniablement répondu à l'attente d'un certain nombre de nos concitoyens. Sur le terrain, en revanche, cette décision contribue certainement à compliquer la tâche des soldats. Les Taliban savent donc qu'ils doivent se montrer patients (d'autant que les Etats-Unis ont également annoncé le retrait de leurs forces) et en attendant cette échéance, ils peuvent se positionner pour remplacer "l'occupant " à son départ. De même, les Afghans habituellement favorables à l'ISAF sont amenés à davantage de neutralité pour ne pas risquer d'être traités comme collaborateur, sans compter tous ceux qui seraient tentés de rejoindre l'insurrection tels nos résistants de la dernière heure.

Crédit inconnu
La fédération française de rugby a, avant même le début de la compétition, décidé d'annoncer le départ du sélectionneur Marc Lièvremont dès la fin de la coupe du monde et son remplacement par Philippe Saint-André. Cette annonce a forcément, elle aussi, un impact sur le comportement des joueurs, même inconsciemment. Pour ces derniers, si le sélectionneur n'est pas reconduit dans ses fonctions alors quelle obligation autre que morale (et c'est déjà pas mal) ont ils à suivre ses recommandations? Puisque le risque est moindre de ne pas revenir en équipe de France s'ils ne suivent pas à la lettre les directives, l'autorité de Lièvremont se trouve donc affaiblie et il doit s'appuyer sur d'autres leviers pour obtenir ce qu'il souhaite de son effectif.

Crédit inconnu
Quoiqu'il en soit c'est dans la difficulté que se forge la vraie cohésion et que les caractères se révèlent. Que ce soit pour la Task Force Lafayette ou pour l'équipe de France (chacune dans leur domaine et leur importance relative), elles ne manquent pas. Raison de plus pour leur apporter un soutien sans faille dans l'adversité alors allez les petits!!! Allez les bleus!!!